Voici des extraits de lettres écrites par LEAUTIER, de Paris entre les 17 mai et 15 juillet 1792 à M. FARNAUD, visiteur des rôles de patentes à Gap (Hautes Alpes) :
17 mai. Nouvelles des frontières et des armées : désertions, mouvements de retraite, départ de LUCKNER pour Valenciennes, mouvements en Autriche et en Prusse, l'armée des émigrés ; fausses rumeurs, cherté des vivres, etc.
22 juin. Les partisans de « la tranquilité, la paix et l'harmonie sont indignés d'avoir vu en ce jour la loi violée et un de ces chefs et sa famille le jouet d'un peuple que l'égarement ou la séduction a égaré. En effet que doit-on penser d'une foule immense qui à main armée se porte, malgré la résistance et les observations de la Garde nationale, dans les appartemens du Roi, lui présente deux cocardes une blanche et l'autre tricolore et lui demande s'il veut être Roi des français ou de Coblentz, qui lui demande la sanction du décret sur les prêtres », etc., exigeant de lui une réponse prompte. Après un violent débat, l'Assemblée a décrété de défendre « à tout pétitionnaire armé l'entrée de la salle de l'assemblée », et a rendu publique la lettre que Louis XVI a adressée à l'Assemblée suite aux événements, ici retranscrite en partie…
8 juillet. Annonce de la suspension du Maire de Paris PETION et celle du procureur de la Commune ; l'esprit public ; discussions à l'Assemblée ; formation d'une armée contre-révolutionnaire dans les Cévennes…
13 juillet. Instabilité du gouvernement. Partagée entre la crainte et la joie, la capitale offre un spectacle très contrasté : « on attend le jour de demain les uns comme un jour de mort, les autres comme un jour de triomphe ». L'Assemblée a déclaré « la patrie en danger » ; séance scandaleuse à l'Assemblée, « au sujet d'une pétition présidée par le fameux Robesp. qui n'ayant pas été admis a été le signal d'une révolte ouverte des tribunes publiques contre les députés qui s'étaient opposés à l'admission ». PETION a été réintégré…
15 juillet. « Jour anniversaire de la Liberté » : « La sérénité d'un beau ciel ajoutait à la beauté de la fête » : les Fédérés se sont unis aux légions parisiennes et aux troupes de lignes près du « terrein de la Bastille démolie », puis 60 députés sont venus assister « à la pose de la première pierre d'une colonne nationale qu'on élève au milieu du terrein. Le cortège a commencé à défiler à près de dix heures et ce n'est qu'à près de six heures qu'il a été rendu au Champ de la Fédération. Il était composé d'abord d'un corps de cavalerie qui ouvrait la marche », puis de musiciens et de tambours, suivis de très nombreux bataillons de Paris, Versailles, etc., et de « plusieurs corps de citoyens à piques, d'un grand nombre de citoyennes en blanc à ceinture tricolore ». Tous les corps de justice, les municipalités, etc. « rendaient la fête imposante. Les troupes de lignes, précédées et suivies de leur musique, venaient après », puis gendarmes, gardes nationaux, etc… « Le faux-bourg de gloire, ci-devant St Antoine, marchait en grand nombre mêlé de musique et femmes d'enfants et de vieillards, une presse était au milieu d'eux (ils rédigent depuis peu un journal). Des enfants vêtus à la romaine portaient une cassolette où brûlait un encens continuel ; les statues de Franklin, de Rousseau, de Voltaire de Mirabeau étaient portées par des hommes vêtus uniformément et à bonnet rouge ».